Clair comme de l'eau de roche
Après une journée de docilité au travail, je me promets des trios de roue libre, de retour à la maison sur lesquelles j'enchaîne sur une montée avant de recommencer le cycle, en roue libre. Habituellement, je me joins au peloton de L., mais ce soir je sèche le cours. Besoin de ma dose de libre arbitre quotidienne. Je croise cependant ladite entraîneuse de cardio cycle dans l'escalier. Nos regards se défient. Elle s'arrête au deuxième palier ; je continue l'ascension en direction du quatrième. Le bleu acier de ses yeux s'assombrit, prend une teinte océanique. La kinésio a perdu un de ses poulains.
Au 4e ciel, je repère une monture ignorée faut d'être mal située : en bordure d'un mur face à un autre mur. Moi, sans mes barniques, je n’y vois rien de toute façon, alors ça me convient. Je l'ajuste, je l'enfourche et j'inonde mes pensées de Jill Scott, dont les plages me servent de repères temporels et les rythmes, de métronome.
Grosso modo, quelle est la différence entre ce qu'on appelle le spinning et le vélo stationnaire ? D'abord, notre position sur l'appareil diffère. Même si on ajuste (par ailleurs plus étroitement à notre morphologie en spinning) le guidon de l'appareil très haut, n'en reste qu'en spinning on arbore une cambrure de courseur. Le poids de notre corps tend à s'aligner avec le prolongement de la jambe pour offrir un maximum de performance notamment au niveau du quadriceps. Ensuite, entre vous et moi (et mes jambes), pédaler sur un vélo de spinning est, même à basse vitesse, beaucoup plus exigeant que, toute proportions gardées, que de mouliner sur un stationnaire. Le « buzz » est donc d'autant plus grand, chers accros aux endorphines. Ensuite, en spinning, on écrase les pédales et on tire alors qu'en stationnaire, on ne fait que pédaler en poussant. À noter d'ailleurs qu'en spinning, « pédaler dans le beurre » se révèle une expérience fâcheuse, qui peut même, comme je le soupçonne, stimuler l'apparition d'un kyste à l'aine. Au mois d'août dernier, j'ai dû faire relâche faute de l'une de ces masses à l'entrejambe. Je me questionne encore sur les explications possibles bien que la médecin m'ait donné l'absolution de responsabilité en la matière. Enfin, je crois que j'ai mal ajusté la résistance au moment d'effectuer des sprints, qui ne sont ni ma force ni mon dada.
Pour clore cette séance de sudation dégoûtante, je « strippe » et file sous la douche m'absoudre de tous ces ragoûtants efforts. L'eau chaude caresse mes muscles engourdis et boucle merveilleusement ce moment d'abandon de soi. Or, qu'entends-je ? « There's a fire starting in my heart, reaching a fever pitch and it's bring me out the dark. Finally I can see you crystal clear. » Une petite fille, qui fausse délicieusement sous la douche.
Moment de bonheur.