COURSE À PIED | Ma vie est un 10K
À trois semaines du Marathon Rock 'n Roll Oasis de Montréal, je suis en pleine séparation. Ma routine de course est bousculée. Ma famille nucléaire vient de se prendre une bombe nucléaire. Bourrée d'endorphines parce que je cours, parce que je fuis et je me dépense, je vois une certaine ressemblance entre la course et ma vie.
D'abord (et surtout), il y a les gens qui nous entourent et qui nous encouragent. Entre lieu de travail, lieu de résidence officiel et lieu de résidence temporaire, des personnes se relaient pour me soutenir. On ne m'offre pas d'eau, certes, mais on me propose de l'accompagnement en espérant m'aider à me rendre jusqu'à la prochaine station humaine de ravitaillement. Et ça marche. Parfois, je titube, mais j'atteins mon objectif : la prochaine borne.Contrairement à mon expérience de la course à pied toutefois, entre les points de ravitaillement, je ne cours pas en confort. J'ai plutôt mal au cœur, au sens strict et figuré. Je n'avais d'ailleurs jamais été aussi malade régulièrement (et pourtant, mon fils est un vecteur de microbes incroyable puisqu'il fréquente une garderie).
Un jour, ça ira mieux. Un jour, ça ira mieux. Un jour, j'arriverai au bout de mes 42 km de famille décomposée. En attendant, je me prends la vie en pleine gueule, un inconfort à la fois. Quand je courais jusqu'au boulot tous les jours, que bébé m'ait laissée dormir ou pas, l'idée demeurait la même : un pas à la fois. Au final, je ne me dirige jamais vers la ligne d'arrivée; je foule le sol du parcours en l'explorant.
Puis, il y a aussi une partie de résignation. On se laisse emporter par la foulée en suivant le rythme de ses pas ou, dans mon cas, des choses. Je me lève à la même heure qu'à l'habitude. Je me brosse les dents et je passe la soie dentaire (pas toujours, je l'avoue). Et je pars travailler. Ou j'enfile mes chaussures. Je marche un peu, puis je me mets à courir. C'est pareil, en fait. Et, justement, c'est ma routine : me préparer à aller travailler à la course. Quoi qu'il arrive, l'important est d'être à l'heure à la ligne de départ ce dimanche, Marathon oblige, et à mon bureau demain matin.
En travaillant comme en courant, je me noie l'esprit dans de la musique. Mon lecteur MP3 est actuellement l'un de mes meilleurs amis. Pourquoi écouter de la musique ? Pour me changer les idées pendant 8 km ou pendant 8 heures. Le plan est de travailler ou de courir de toute façon. De m'isoler dans une bulle artificielle et me créer un lieu où gérer les crises de larmes... ou les crises de panique, selon le lieu et l'activité (j'ai peur des foules). Ou finalement, pour me servir de la musique comme d'un métronome : pour tenir le coup ou le rythme.
Ce soir, j'ai couru 15 km. Malgré la forme et la régularité de l'entraînement qui n'y sont pas, j'ai dépassé tous ceux et celles que j'ai croisés durant ma fuite. Peut-être que les émotions me font courir? Peut-être que mes nausées m'allègent, aussi. Enfin, tout ce qui compte est de ne pas renoncer à mon objectif du 10 km le 20 septembre. Et, ce faisant, de ne pas baisser les bras non plus parce que j'ai un petit garçon absolument magnifique qui voudra bien être pris dans mes bras, justement.
J'ai couru mon 10 km sans avoir vraiment dormi la veille, sans avoir pu vraiment manger non plus. Seule. Sans personne pour m'accueillir 47 minutes après le coup de départ. Alors, j'ai joggué jusqu'à la job pour me doucher, à défaut d'avoir une maison. Mes collègues m'ont accueillie les bras ouverts : il paraît que j'étais dans le top 10 de ma catégorie.