VÉLO DE ROUTE | Montée des Vallons

 " - Montée Vallons en fds, ça te tente? 
- Ouiiii! Plutôt dimanche. 
- OK. Adresse? "

Et voilà comment je me suis ramassée dimanche matin à 8:50 là où transite mon cousin en mode post-séparation: chez mon oncle. Je venais à peine d'apprendre qu'il s'était séparé d'ailleurs, donc mon invitation ne visait pas à lui remonter le moral. Et puis, il a déjà une nouvelle flamme de toute façon. 

Je ne savais pas non plus qu'il avait un vélo de route, lui. La dernière fois qu'il m'a envoyé un message sur Instagram, c'était pour me demander des pistes où acheter un gravel bike. À propos, "pis, ce gravel bike?" "Ben, on m'a donné ce Opus endurance." Ah bon. 

On Tetris l'Opus et le Marinoni derrière, joie de la Honda Fit, et on balance le reste de notre bardas dans le coffre. Direction Victoriaville, sortie 210 sur la 20. J'arrête faire le plein à Sainte-Julie. Hugo sort de la voiture s'en griller une. Je ne dis rien, niet, nada. Ça me donnera un peu d'avance sur ce jeune fringant dans la trentaine, moi qui approche la quarantaine. Dans la voiture, il me parle de sa nouvelle passion COVID-19 : dénicher la double IPA rare. 

Arrivés au réservoir Beaudet, on se stationne. Il nous manque cruellement une appli gratuite pour suivre en temps réel notre géolocalisation sur le parcours recommandé par Vélo Québec. Si vous avez des suggestions, écrivez-moi ça ici, au bas de cet article, que je les examine avec beaucoup d'intérêt. Tout le long, entre Thomas (notre nom de famille), on collabore : lui sur Google Map et moi sur différentes cartographies de la Montée des Vallons. Ensemble, on finit par s'y retrouver.

Notre plan : commencer par la Balade des fleurs, longer un tantinet le parc linéaire (que je devais faire la veille) et terminer par les vallons. J'insiste : terminer sur 342 m de montée sur 40 km avec environ 102 m de dénivelé. Mais c'est ce qui est proposé. Nos effectifs : 2 bidons d'eau et apparemment ben des barres Cliff au chocolat pour lui, 1 bidon d'eau et une compote de pommes compressible pour moi. Et, non, ce n'est pas moi qui ai roulé à sec. Mais j'ai rempli mon bidon en cours de route, vers 50 km. 

En sortant du parc du Réservoir pour emprunter le boulevard des Bois-Francs, on se dit qu'on y reviendra faire notre cool down après notre ride. Ha! ha! c'est mignon, le manque d'expérience. On part sur 1,5 km de faux-plat pis de montée assumée jusqu'à Saint-Christophe d'Arthabaska, d'où je me surprends à défiler à 47 km/h en roue libre. Ha! ha! je n'ai encore rien vu... On vire vers je-ne-sais-pas-où chercher la rue Carolann, qu'on n'a jamais croisée. On rejoint la 161 tout de même moyennant 2-3 kilomètres de plus. Son vélo, à Hugo, comme le mien roule sur des pneus fesse, donc on reste sur l'asphalte plutôt que d'emprunter la Route verte pour avoir plus d'adhérence. On grimpe doucement dans les campagnes, mon cousin beugle bonjour aux vaches : saluuuut. La plupart du temps, il ouvre le chemin. Le soleil nous plombe sur le casque Giro, l'asphalte nous crache ses vapeurs brûlantes en plein t-shirt Décathlon. Bref, on est habillés à peu près pareil et on suffoque un brin sans s'en rendre compte vraiment. 

L'effort sournois me frappe de plein fouet à un arrêt, 20 km à peine après avoir commencé notre sortie. Oufff... "Je vais prendre les prochains kilos mollo pour récupérer un peu." En vérité tout nue d'orgueil, j'ai une bouffée de chaleur et la nausée. "OK, Cath, roule. Il faut que tu restes en mouvement." Une chance que j'ai dû recalibrer mes forces en début de parcours parce que le vrai défi restait à venir, vent de face par dessus le marché. 

On vient de finir la Balade des fleurs, et la vie m'en a fait une jusqu'à passé Warwick en me permettant de mettre la pédale douce. 

P'tit moment cute à Warwick... Hugo et moi avons beaucoup en commun, mais pas tout. D'abord, il déteste le pâté chinois alors que j'en raffolais quand on était petits. Ensuite, il surveille le décompte de ses calories brulées alors que je ne possède même pas de pèse-personne chez moi. 

" - On a dépensé 100 calories!
Cool (saracastique), tu peux manger une pomme." 

Revenons à nos moutons, on a dépassé les vaches-salut. On frappe un mur, notre premier. Regard agard. Hugo me propose de tricher, je refuse : "Au pire, on prend ça giga mollo, mais on l'aura fait au moins une fois dans notre vie." Deal! On est gonflés à bloc, adulescents. Après le mur? Une montée, puis deux autres qui s'enchaînent. "Ça grimpe, hein...?" Criss... Mais on y arrive, we are the champions. On se tope-là, fuck la COVID. Mais d'autres escarpements nous attendent, sifflotant un air de Another One Bites The Dust. Esti... Ce premier mur avec faux-sommets multiples, faux-plats nombreux et remontées immédiates n'était qu'un avant-goût. On y aura goûté, c'est le cas de le dire, 5-6 fois encore : des murs et des murs à moins d'un kilmètre ou d'un demi-kilomètre de distance les uns des autres.  

Sérieux, ça ne prenait plus des mollets. Ça prenait un doctorat en psychologie intracrânienne. Ma stratégie, à moi? Celle de l'autruche-lotus : regarder à un mètre devant moi, tout au plus, pour me concentrer sur le moment présent uniquement agrippée à mon guidon à en avoir mal aux mains, les coudes pendouillants et les oreilles molles. Peut-être un peu de bave qui dégoûte. J'ai pensé dire à mon cousin pour l'encourager : "Écoute, tu viens d'avoir un échantillon de c'est quoi, accoucher. Tough as fuck, pourtant tu t'en sors. Lâche pas." Ce que je ne lui ai pas dit : "Ajoute une douleur inimaginable par contre parce que ta peau fend pendant que tes os se disloquent, littéralement." Pis j'approchais du feel final, post-ride. Mais bon, on reste dans le câlice de moment présent, on roule et on meurt parce que over my dead body que je mets le pied à terre.  

À la 3e montée, je dois m'alimenter parce que je fantasme sur une grosse bière gose avec une tonne de citron pressé dedans. Ce n'est pas normal. J'aspire ma compote de pomme-poire compressible pour enfants, ça me replace. On repart. Mais avant, je prends ça en photo, les p'tits vallons. 

Et puis, tada! On se tape une descente. Je sais qu'il me faut garder le contrôle sur mon Marinoni parce que le risque de se péter la gueule solide augmente au fur et à mesure qu'on dévale. Mais j'ai les yeux scotchée à mon endomètre : 37, 39, 41, 43... "OK, Google. Prends-moi des assurances." Je veux voir jusqu'à combien j'irai en roue libre : 47, 53, 56... Finalement, j'ai atteint les 67 km/h, avec un freinage pour négocier un virage. "Satisfaisant", comme dirait l'autre. Ha! Ha! 

Puis, ça repart en grimpant toujours de plus belle. Ouf! 

Acculé au pied du 4e mur, mon cousin crève­. Je m'en rends compte parce que, moi aussi, j'ai déposé le pied à terre. Noooon! Je me retourne, coupable, mais les cuisses en feu, et je vois ma famille marcher en clips sur le bitume fumant. Clac, clac, clac. Je remonte en selle, merci tellement à je-ne-sais-pas-qui-dans-ma-génétique-qui-a-fait-que-je-récupère-vite. Je ne veux pas scrapper mes chaussures en dansant la claquette, moi. Pousse, pousse, pousse... Pas facile de repartir en pente quand on est 1) raide mort 2) déjà sur tous ses petits pédaliers 3) en danseuse. Mais j'ai réussi. Je vais vous faire une confidence par contre : je craignais de dévaler la pente en sens inverse, clippée à mon bike

C'est absolument magnifique, ce coin de pays-là. Hugo lâche même: "On dirait le fond d'écran de Windows." Ha! Ha! N'empêche, le commentaire est plutôt juste. On s'arrête pour remplir nos bidons là où on entend du bon vieux rock et on voit un bonhomme avec un bandana sortir enfourcher sa moto. En bref? Il passait notre test de confiance. Le rocker des champs nous partage généreusement sa réserve d'eau potable : un remplissage de bidon chaque. Je cale la moitié du mien en une gorgée, oups. La campagne verdoyante rebondit partout autour de nous. Les rubans d'asphalte lacèrent le paysage comme des stries de caramel dans de la crème glacée. Ici et là, des balles de foin ponctuent les plaines de leur couleur blé doré. On est g'lés tight à l'endorphine pour tripper des bulles de même? Pas sûre, non. Vous irez confirmer si on a divagué ou non. 

Je ne sais pas comment les tracteurs font pour ne pas débouler... Non mais je chiale, là, sinon vous seriez déçus. Pour de vrai, c'est le bonheur en compagnie de mon grand complice d'enfance, en plus. 

De nouveau assis sur nos selles Italia, on mouline en zombies sur les derniers 15 km: Chesterville, St-Christophe (ça remonte, Hugo remeurt) et finalement Victo. Mon cousin m'a ouvert la route sur grosso modo la première moitié du parcours. Et, moi, j'ai joué mon rôle d'aînée en bouclant le reste en tête, la belle relève juste derrière. 

Enfin arrivés au char, les envies se bousculent. Pour moi, c'est manger. Pour lui, qui vit d'amour et d'eau... euh, de barres Cliff, c'est d'avoir des nouvelles de sa douce : "Ah, vous avez fini, cool. Du coup, tu reviens bientôt pis on blablabla?" Regard agard. Il a dû répondre "K" en pensant "nope" parce qu'en sortant de ma Fit DX, à Montréal, il m'a dit : "On remet ça. Mais pu jamais les Vallons." 

Je tiens à mentionner que je n'ai aucune courbature. Mais que j'ai dû avaler des comprimés Advil au beau milieu de la nuit parce que j'avais la sensation d'avoir mal à la tête... dans pratiquement tout le corps. 

C'était GÉNIAL. 

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