Trampoline
Facque j'ai acheté un trampoline aux enfants comme cadeau de fin d'année. Personne ne me croit que c'est vraiment pour les kids.
J'ai été initiée su trampoline en 6e année. Ça, c'est à peu près en 1996. Ma chum Stéphanie avait un trampo olympique dans sa cour. Elle et sa soeur, Caro, faisaient de la gymnastique.
Il paraît qu'on découvre sa passion vers 14 ans. Si c'est vrai, alors la grande découverte pour moi a été l'été 1997. J'avais 13 ans -- full précoce, la fille. Ma passion s'est révélée être l'acrobatie. Je faisais pourtant du patinage artistique depuis déjà de nombreuses années.
Mes parents le savaient déjà, eux, que j'étais un singe dans l'âme. La preuve? J'ai 3 ans sur cette photo.
Ils m'avaient inscrite en gymnastique. Mais je n'aimais pas porter un léotard. Je n'aimais pas non plus les dix mille commandements de la gym : pointe les pieds, fais de belles lignes, etc. Dans ma vie, je devais toujours faire la belle. En sports, non, et j'y tenais à fond.
En patinage, je devais porter un costume avec une jupette. 😱 Heureusement, j'ai été dépistée vers 6 ans par un entraîneur qui m'a fait évoluer rapidement. J'ai rejoint les rangs séniors (catégorie la plus forte) à 9-10 ans. Rendue là, je patinais avec des ados de 16 ans. On pouvait s'habiller comme on voulait. Moi? Un maillot noir sans jupe enfilé sur un collant noir. Pas d'jupette rouge de la couleur du club. Pas d'osti de bas beige laittes non plus. Puis, j'avais enfin des verres de contact plutôt qu'un élastique pour retenir mes lunettes, écrasées dans ma face comme une mouche noire dans un pare-brise de char.
Bref, le cirque plutôt que la gymnastique.
L'été de mon secondaire I, j'ai sauté sans arrêt sur le pavé de notre patio dans la cour arrière pour indiquer à mes parents que c'est là, là que je voulais qu'on installe mon trampoline. For the reccord, mes parents n'avaient pas dit oui pour acheter un trampoline. Pantoute. La cour était trop petite. Et, du point de vue de l'aménagement extérieur, c'etait 100 % vrai. Mais géométriquement parlant, c'était possible. Alors, moi, je sautais comme un syndiqué de la CSN en grève pour défendre mon point de vue.
Je n'étais pas une enfant capricieuse -- sans blague. Intense? Oui, full intense. Mais pas une princesse.
Mes parents ont fini par céder.
Quand j'ai enfin eu mon trampo à moi, je me suis mise à en faire tout le temps. Vraiment tout le temps. Au réveil, en pyjama. En finissant ma dernière bouchée de déjeuner, de dîner et de souper. Littéralement du matin au soir. Je pratiquais tous les mouvements et, quand je les réussissais, j'enchaînais sur des séries de 100 pour les parfaire. Tous. Je me suis même disloqué un truc dans le coccyx à cause de mon zèle -- ça, ça fait mal en chien. Mais mon assis-debout est, encore 25 ans plus tard, impeccable.
Quand j'ai maîtrisé tous les mouvements de base : l'assis-debout, le dos, le ventre, la vrille, le carpé, le groupé, l'écart, le plongeon, la pirouette avant, la pirouette arrière, le barani ainsi que toutes les combinaisons possibles et inimaginables... je me suis mise à inventer des move. Au grand damn de mon père, qui pensait que "Ça y est! elle va se tuer cette fois."
Je me suis parfois plantée, oui. Souvent. Même que je suis tombée hors du trampoline, tête première, dans la haie de cèdres.
Mon père capotait. Tout le temps.
Je faisais de l'acrobatie dès que j'avais le temps, quoi. Chez moi sur le trampo. En cours du soir au Trapézium (du trapèze volant). En cours de fin de semaine à l'école nationale de cirque (programme aérien). Sur l'heure du dîner à mon école secondaire (trapèze fixe).
C'est beaucoup ? Oui. Et il faut savoir que je n'avais pas arrêté de patiner. Je patinais moins, mais quand même minimum 9 heures par semaine. J'enseignais aux jeunes le dimanche matin. J'étais dans une école de bollés avec des millions de projets spéciaux, des heures interminables de devoirs et une centaine d'heures de bénévolat à faire pour être une bonne personne. Par chance, mon club de patin me permettait de faire passer mes heures d'enseignement en heures de bénévolat. Par chance, je n'ai jamais vraiment eu besoin d'étudier beaucoup. Fiiiou.
En 2002, j'ai commencé à étudier en acrobatie au Prep de l'école de cirque de Verdun. C'était la première année du programme. Un temps partiel, genre 25 heures de soir -- pinottes. C'était parfait : je pouvais le faire en même temps que mes études au cégep. Tout le monde serait enfin content : les parents et moi. Je me suis entraînée en cachette à la palestre où j'enseignais tout un été. Puis, je suis partie faire les auditions de l'école de Verdun en secret, avec la voiture de mon père. J'ai terminé en tête du classement. On m'a offert une place au Prep et un poste de coach. J'étais aux anges.
Malheureusement, dès la première année de mes études en cirque, je me suis blessée en faisant un double back flip. J'étais épuisée. J'en faisais trop. Ensuite, je me suis blessée aux mains en trapèze. Puis, j'ai perdu mon partenaire de trapèze fixe en duo -- mon numéro. C'est comme ça que, tout doucement, les défis ont commencé à s'empiler et, moi, j'ai commencé à renoncer à l'acrobatie professionnelle. Lâche? Peut-être. J'étais tellement fatiguée.
À ce jour, mes genoux demeurent blessés. Mes mains aussi. Même si j'ai bien récupéré pas mal au fil des années avec la physio.
J'ai été en deuil pendant des années. Or, je me suis mise à fond dans autre chose : le vélo, la course à pied et, surtout, le marketing de contenu et le SEO. Tous les jours, je jongle avec les priorités d'hier. Très souvent, j'ai peur de me casser la figure. Depuis les 3 dernières années, j'essaie de marcher sur un fil algorithmique qui tremble. J'ai troqué mon costume et mes collants noirs pour un pantalon et une blouse. Noirs. Je porte des talons-échasses tous les jours.
La passion change de visage, mais son feu ne meurt jamais.
Je ne regrette pas mes années de cirque finalement. What works, works. What doesn't, doesn't. Puis, j'ai maintenant l'honneur de montrer à "mes" propres enfants des trucs au trampoline. Et d'être courbaturée en titi.
Sans blague, le trampo, c'était pour eux : Jackie, Dylan et Thomas. Pour les faire décrocher des maudits écrans. Mais j'avoue que je tripe, moi aussi.
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Eille, t'as-tu le goût de commenter? Parce que, moi, j'ai envie de te lire en titi : lâche-toi lousse, mon chum.