Thousand Islands
Gananoque qu'on dit "gananokwé" ou, ma version, "gananocoque" comme une "coque" de bateau. Vous me trouvez un peu nounoune? Écoutez, répétez et évaluez le degré de difficulté de cette prononciation pour voir. Enfin bref, c'était notre destination le vendredi 23 septembre à 12:30. Brandon conduisait; moi, j'appelais Isa.
Isabelle me disait, émue: "Je suis tellement contente! Je pensais qu'il ne se passerait rien pour mon anniversaire." #EncoreMalMeConnaîtreAprès10ans
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Brandon a stationné ma Honda Fit à la marina de Gananoque vers 16:30. Nous avons récupéré son embarcation à la location (des gens aussi vrais que formidables et raisonnables). Puis, nous avons chargés notre bardas dans les soutes hermétiques de son kayak de mer et sur mon sit-on-top, dans des dry bags.
On ne s'en rend pas compte sur la photo, mais il ventait des tonnes. Sur le Saint-Laurent, il y avait donc beaucoup de houle. On a mis le cap sur l'île MacDonald dans le parc nature fédéral des Mile-Iles. En kayak récréatif, c'était plutôt épique. Mais je jubilais, déjà enivrée par l'expérience: Oh, my God! This is amazing..." Je sonnais comme le gars des double rainbows sur YouTube.
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Sur l'île, il n'y avait qu'un seul autre groupe de campeurs. Nous avions donc pratiquement l'endroit pour nous et notre débrouillardise. Pas d'eau, pas d'électricité et... pas d'bouffe. Des toilettes biologiques phénix par contre. Nous nous étions pressés de planter notre tente avant que la noirceur et l'averse tombent. Nous allions faire un brin d'épicerie ensuite.
"Look! Canada geese", a lancé Brandon excité. J'ai eu l'image mentale d'un manteau Canada Goose, mais j'ai repéré un groupe d'outardes. Ah oui, des "bernaches canadiennes". Hon, il ne semble pas savoir ce qui l'attend...
Ce soir-là, la pluie est restée suspendue dans les nuages et, comme pour la remplacer, le vent est tombé. Brandon et moi sommes repartis au village riverain à la pénombre pour casser la croûte et récolter des vivres au dépanneur: chili en canne, gruau et pistaches. Grosse gastronomie de convenient foodies.
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Attablée au Maple Leaf Lounge, j'ai piqué une frite à Brandon: "Can I have one...?" Je ne prends jamais de patates, mais j'aime en voler deux ou trois. Parce que j'aime le ketchup. Sinon, je préfère la salade. Brandon a répondu: "Yes, of course. And oh, by the way, you know what nobody ever says? 'Can I have a piece of lettuce?'" Comme dirait le meilleur ami de mon fils: j'avoue.
Nous sommes revenus, Brandon et moi, à la noirceur pitch black. Traverser les grandes eaux encore agitées à la lueur de la lune? Plus épeurant que bucolique. Longer la rive rocheuse avec seulement une lumière frontale faiblarde comme éclairage? Ça rappelle une scène du film d'horreur Blairwitch Project. J'avais l'impression que la coque de mon Trail Blazer pouvait se fracasser contre un rocher à tout moment. Je tripais moyen, mais j'ai apprécié notre chance par sens de l'aventure. Soyons honnnêtes: notre audace était juste cave, point.
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Le lendemain matin, mon Joe s'est réveillé pour la enième fois en sacrant: "fucking geese." Ha! Ha! Ha! L'expérience qui rentre. Moins drôle, j'avais oublié la bonbonne de butane. Pas de café? Pas question. Junkie, je suis allée quêter de l'eau chaude en pyjama, commando, aux six Indiens qui partageaient notre McDo insulaire.
Parenthèses culturelles.
Je doutais que ça passe au conseil, ma féminité et mon camouflage de fesses à l'air. Ma désinvolture américaine les vexerait peut-être? Mais bon, priorité caféine. Ce qui compte, c'est l'intention et les bobettes, c'est comme le soutien-gorge : illégal avant le premier café (copyright Isa).
Pendant que l'eau de ma gamelle chauffait sur le brûleur emprunté, j'observais mes sauveurs enturbanés. Ils parlaient tranquillement de politique en hindi en buvant leur café matinal. Ça devait être leur premier, à eux aussi.
Fin des parenthèses.
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Après le café, Brandon et moi avons remis nos kayaks à l'eau pour explorer les environs: vingt-trois cygnes qui, quand ils battent des ailes, font le bruit d'une penture à huiler illico presto. Écoutez bien, vous verrez.
Blague à part : le Saint-Laurent. Il est tellement clair là-bas que j'avais l'impression de pagayer dans un verre d'eau. Même au travers des vagues, on voit jusque dans le fond: c'est tapissé d'algues qui poussent dans un terreau sablonneux. On se serait attendu à un fond rocailleux, responsable de cette limpidité impressionnante - not. Les poissons se faufiiiiilent entre ces liiiiignes végétales, ma chère Charlotte Cardin, végétaux qui tracent des traits verticaux dans un bel aquarium de verre.
Les rives du parc insulaire des Mile-Iles sont bordées de maisons colossales et leurs résidents saluent chaudement les marins d'eau douce. Un peu partout sur les quais, on peut lire une prière dans ce paradis fluvial: no wake. Probablement pour éviter que les vagues rongent la précieuse rive. Certaines habitations ont élu domicile sur des îles qu'elles occupent entièrement, or si l'eau grignotait un morceau de leur rivage, elles s'effondreraient dans les eaux provinciales.
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En fin de journée, nous avions rendez-vous avec mon amie Isabelle dans un restaurant au centre-ville de Kingston.
Isa nous a fait faire un détour pour nous montrer la base où elle est technicienne médicale dans l'armée. Il y avait des lapins près du champ de tir, tout à côté. Bande de chenilles... Les maisons du quartier militaire ressemblaient à celles près de chez nous, dans Angus: toutes identiques les unes aux autres. Les militaires qui rentrent saoûls, doivent se tromper de demeure. Mais bon, l'armée est une communauté tricottée tellement serré que leur Josette doit juste balancer: "Martin, Patrick t'attend sul' sofa à matin. Dépêche-toi, tu vas être en r'tard au PT de 5:30." Meh, maintenant Isa a l'un de ces appartements militaires.
Nous avons veillé tard: souper en terrasse, balade dans Kingston, selfie d'épais devant un monument random par esprit anticonformiste.
Parenthèses.
J'ai prévenu Brandon, fan de burgers, qu'Isa préférait les mets asiatiques santé. #GérerLesAttentes Nous avons cherché, cherché, cherché un resto. Finalement, j'ai tranché pour le Rustic Spud, où il y avait de tout. Isa a commandé la première: un hamburger bacon cheddar avec frites. #WTF Brandon a éclaté de rire: "I'll have about the same." J'ai mangé des moules sans frites.
Fin des parenthèses.
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Du coup, Brandon et moi sommes encore revenus à notre campement à la noirceur. Mon Joe m'avait prévenu qu'il ne voulait pas se retaper le film d'horreur de la veille, mais nous sommes "jeunes", nous sommes fous et, clairement, nous sommes cons.
J'ai un petit peu paniqué; j'ai peur de l'eau. Brandon a parlé un petit peu fort pour me faire entendre raison, mettons fort comme un enfant fait éclater les tympans au sortir de la garderie avant d'avoir eu le temps de se remettre à jaser à un niveau de décibels civilisé.
"I TOLD YOU, it's here.
- Okay, okay. But GIVE ME my headlamp, I wanna see..."
Nous n'avons pu faire l'échange, des gens ont entendu nos cris: "You guys okay? Man, we were about to call the rescues - we were worried." Gananoque, c'est ça aussi : des voisins de tente inquiets de ne pas nous voir rentrer alors qu'ils sont arrivés pendant que nous n'étions même pas là.
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Le lendemain, nous avons levé le pied très tôt. Les détendus d'à côté n'avaient même pas eu le temps de boire leur deuxième café qu'on les bousculaient encore pour foutre le camp. À l'abordage! #yolo
Nous voulions rouler nos Cannondale et Marinoni en bordure de la rive. Nous avons pédalé le Thousand Islands Parkway, qui s'avère davantage un ruban d'asphalte idéal pour faire du volume qu'une destination de villégiature.
J'avais envie d'une douche. Il avait besoin d'une douche.
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Cap chez Paul et Katherine. Deux heures de réconfort: douche, coffee cake et salon extérieur. Nous repartions, Brandon et moi, avec des sucreries pour les enfants, gâteaux que nous avons finalement engloutis en conduisant. Ben non, je blague.
Nous sommes rentrés à Montréal, la panse pleine de bouffe en canne et les babines caramélisées. Nous laissions derrière nous trois sourires dessinés par notre coucou surprise. Nous prévoyions déjà notre prochaine escapade quand... lundi a sonné à 6:00 sur nos réveil-matins synchos.
Brutal retour à la réalité, croyez-moi.
Crédits photo Parc Canada
Crédits correction à Isa Bou.
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