COURSE EN SENTIER | Mon collègue

Hier soir, j'ai balancé tous mes plans pour aller courir avec un collègue. Oui, j'ai annulé mon 5 à 7 avec mes anciennes chums de travail pour jogguer random avec un étranger. Parce qu'en ce moment, je vis des difficultés au boulot et que, lui, cet être éveillé, l'a vu et m'a tendu une perche. Surprise, j'ai accepté son offre comme un cadeau tombé tout droit du ciel.

On s'est rejoints à 18 h 30, déguisés en coureurs sobres avec des bandes réfléchissantes. On est partis du Quartier des affaires, métro Square-Victoire-OACI, pour remonter par le centre-ville et atteindre l'Université McGill. J'ai crevé tout en haut de la côte, en arrivant au pied du mont Royal.

Ma cadence est plutôt rapide, je me suis habituée au tempo de mon coach de course. La foulée de mon collègue est un peu plus lourde et il a une attaque du talon, alors que je cours naturellement plus à l'avant-centre du pied. Différents, mais ensemble. 

Deuxième souffle, une bouffée de nature m'oxygène un peu. Lui, il avait apporté une lampe frontale supplémentaire parce que, même sans me connaître, il avait deviné que j'oublierais la mienne. On est donc devenus encore plus brillants qu'en faisant équipe au 3e de la Tour Québecor. Puis, on a remonté le chemin des Calèches jusqu'au belvédère, où la ville scintillante m'a encore éblouie.

Notre ascension est arrivée à son point culminant à la Croix du Mont-Royal par contre. J'y ai croisé quelques membres de mon club de course, les Pélicans de Rosemont, et leur chef. Ils m'en ont mis plein les yeux, eux aussi, avec leur lampes frontales braquées sur moi qui essayais de discerner leurs visages.

Quelque 5-6 kilomètres dans le sillon de mon collègue, je commence à me caler sur sa cadence. Et à me détendre. Les sensations sont bonnes, je n'ai ni froid ni chaud et je respire bien. Contrairement à mes attentes, il me reste du jus dans les jambes. Parfait pour la suite, ce que je préfère... et ça paraît!

On pique au travers du décor en dévalant les sentiers étroits. Ça monte, ça descend. Je saute les obstacles, folle de joie. "Mais t'es malade, Miss Mayer?!" Par bouts, ça glisse en chien, on doit descendre sur les fesses. C'est pratiquement du fartlek en single track, je suis pile-poil dans mon élément malgré la patatitude. Mon partenaire de course, tannant, me lance des boules de neige. J'accélère pour me venger... ouf! c'est la petite mort une deuxième fois.

Finalement, on émerge du bois par la Camélien-Houde pour fouler l'asphalte. Wow! Ça défile tout seul après s'être enfoncé dans la neige dense et molasse. J'ose un sprint, il me race. Je me ravise, déjà plus mature, question de m'économiser en vue des 6-7 kilomètres restants. 

On joggue le long de l'avenue Mont-Royal, contournant au passage les piétons et alternant de trottoirs. 

Je suis toujours mon collègue, qui me tire de plus en plus. C'est qu'on court depuis presque deux heures déjà. Mais on se dirige vers chez moi. Lui, Forest Gump, il poursuit ensuite à la course jusqu'à chez lui, en quelques kilomètres de plus au nord. Les sensations sont encore bonnes, je respire encore bien. Je n'ai pas mal aux articulations, j'ai seulement les jambes alourdies. La fille à moins d'endurance qu'avant, quoi.

Ça se termine pour moi au coin de ma rue après m'être fait aspergée dans une flaque d'eau par l'autre tannant. Ha! Ha! Ha! Je suis détrempée, on comprendra pourquoi, mais je nage en plein bonheur. La soirée a été bourrée d'endorphines, et je suis surexcitée au point d'avoir du mal à m'endormir.

Ce matin, je vous avoue avoir vu ma job sous un nouvel angle.

...

Nous ne sommes plus collègues. Mais nous nous retrouvons encore parfois pour courir ensemble. 

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