CIRQUE | Est-ce que le Cirque du Soleil a ''landé'' son Axel?

Joyeuses fêtes!

Le 23 décembre, j'ai vu Axel du Cirque du Soleil au Centre Bell avec mon fils. Les critiques ne promettaient rien, cela dit je ne les ai toujours pas lues. J'ose croire que je peux me permettre de juger le spectacle par moi-même notamment sur le plan technique. J'ai pratiqué sérieusement les deux disciplines réunies : le patinage artistique (surtout le style libre) et les arts du cirque (surtout le trapèze fixe). Je me suis en outre intéressée à la chorégraphie ainsi qu'aux influences des traditions circassiennes sur le Cirque du Soleil et le rayonnement de ce dernier en Amérique du Nord, pour aborder le côté académique de mon expérience.

Pour moi, le spectacle soulève deux questions : est-ce que le Cirque a fait ses devoirs? et est-ce qu'il a su présenter ses travaux? Si je me fie aux commentaires, hum... peut-être que les subtilités n'ont pas été suffisamment apprêtées pour être saisie par tout le monde. En revanche, je vous assure que ça transpire la démarche artistique. Ce spectacle a l'ADN d'un show du Cirque du Soleil et, bien sûr! aucun artiste ne fake son talent. 

Bref, c'est-tu bon? Oui. Et voici pourquoi. 


Le spectacle porte le nom du maître de cérémonie, Axel, et le nom du saut qui, en patin, trace la ligne entre patineur sérieux et amateur. Axel n'a pas la prestance de ses prédécesseurs, mais il n'a rien à leur envier non plus. Son interprétation des différents tubes populaires résonne bien, surtout celle de Diamonds de Rihanna. Le clown russe (le personnage qui représente le spectateur), lui, est incarné par un chien robot, qui sert également d'événement précipitant à cette version moderne de George Orwell 1984. Elle est mignonne, cette idée que l'Homme déconnecté recouvre la connexion fondamentale avec lui-même au contact d'une machine intelligente domestiquée. Culture et occasions marketing s'invitent, elles aussi, dans cette critique de la société. C'était, entre autre, le cas également avec Varekaï, un spectacle qui nous parlait de biodiversité.

Je serais curieuse de revoir Axel dans une ou deux générations, histoire d'en apprécier sa capsule temporelle...

Dans la première partie, l'austérité d'un monde Big Brother s'exprime par une patinoire enfumée et des décors sombres. Vous n'avez pas aimé ça? Sans le savoir, vous avez compris : la magie a disparu. Toutefois, on remarque ici et là des instants de bonheur percer sous le voile étouffant d'une société archicontrôlée. Seul le Vilain semble encore goûter l'ivresse que la liberté procure. Libertad... comme tatouté au bras de mon moniteur de trapèze - un thème qui trouve son écho chez les artistes. Mais bon, ces instants de bonheur isolés se transforment en moments à deux, entre couples de danseurs sur glace, qui d'un duo à l'autre repoussent toujours un peu plus loin la limite de la gestuelle du patineur - intéressant. Les véhicules de l'art (le cirque et le patinage) se côtoient sagement dans Axel... De une seule personne avec son chien, on passe à trois couples puis à plusieurs individus. La première partie se termine en dépeignant une scène emblématique de l'art pictural : La Liberté guidant le peuple, d'Eugène Delacroix. 

Le mouvement dans lequel s'inscrit le tableau avant l'entracte donne le ton à la suite : le Romantisme. L'amour s'enflamme, les couleurs reviennent et la magie surgit enfin. Les gens auraient, dit-on, préféré la deuxième partie - tiens, une perspective un tantinet optimiste, tout de même, qui transcende le spectacle. La muse d'Axel le mélomane, cette patineuse spineuse, ressemble étrangement à mon ancienne belle-sœur. Du coup, mon fils aussi tombe sous le charme en ayant l'impression de voir sa tante valser. Est-elle une soliste normalement, cette athlète? ... Spins et vrilles se donnent la réplique au chapitre I de l'histoire, un parallélisme qui tend à la communion au chapitre II. Par exemple, un numéro de corde de lisse littéralement ''déchaîné'' met en scène des acrobates, patins aux pieds. Je n'ai pas entendu de ''wow'' fuseler de par et d'autre de la salle, mais il y avait de quoi s'émouvoir. Cette réinvention demandait force physique et textile technique pour être possible. Bravo, le Soleil! tu m'as éblouie. La grande finale nous transporte de même, en mariant les élastiques, le trapèze ballant et Jump Around de House of Pain. Bel effet! vraiment. Et, dans mon cas, de bons souvenirs en plus (clin d’œil à mon amie Vanes).

Durant tout le spectacle, on remarque une tonne de petits détails si on chausse ses lunettes d'Amélie Poulain : par exemple, le numéro des cerceaux aériens présente une manifestation qui se termine sur une figure clé, le drapeau. Mais surtout, on suprend la connivence des artistiques, qui se parlent, s'encouragent... Le Cirque du Soleil est pourtant une usine, mais il semble, avec Axel, avoir réussi à faire vivre à ses membres, sur le plan individuel, des moments dignes d'une véritable petite troupe tissée serrée en nous parlant de société déshumanisée. Un vrai conte de Noël, quoi. 


Quelles leçons en tirer? Il y en a deux et elles me sont davantage personnelles.

Au final, le cirque a-t-il su s'approprier le patinage? Défi de taille puisque ces sports s'opposent à de nombreux égards - j'en sais quelque chose. Peut-être qu'il n'a pas voulu le faire, non. Peut-être que, contrairement au courant dans lequel le Cirque du Soleil a pris naissance, il s'est refusé, justement, à traiter un autre art comme un simple appareil à apprivoiser. Ainsi, il a laissé au patin sa sobriété alors qu'il est, lui, de nature plus éclatée. Un message fort qui pourrait bien transcender Axel, qui sait? Le respect.

Mais tout ce temps, mon enfant musical avait les yeux rivés sur... ''Maman, regarde! Ce sont de vrais musiciens, avec de vrais instruments, là-bas, tout au fond!!!'' Eh oui, prévisible. Mon fils, c'est Axel : mon passage dans la cour des grands.

Articles les plus consultés